• Mettre un terme à l'auto-envoûtement

    Article d'Ey@el

    © Erik Mclean

    En discutant avec une amie thérapeute qui m'expliquait à quel point le recours aux métaphores pouvait grandement aider les gens à comprendre certains principes autrement abscons pour eux, elle émit toutefois une réserve quant à l'emploi de ces figures de style pour exprimer des émotions. À mon grand étonnement, elle argua que le cerveau ne faisant pas la différence entre le propre et le figuré, ces tournures idiomatiques, que l'on aime tant à répéter pour exprimer des émotions passagères, pouvaient finir par se cristalliser dans la matière sous forme d'affections ou maladies psychosomatiques.

    Combien de poignards métaphoriques, par exemple, a-t-elle ainsi dû retirer des corps subtils de personnes se sentant trahies qui s'étaient auto-envoûtées à force de répéter qu'elles s'étaient pris un couteau dans le dos. Mieux vaut donc exprimer clairement et proprement nos états d'être passagers — une émotion est toujours passagère, elle ne définit personne même si, malheureusement, beaucoup d'individus finissent par s'identifier à leur colère ou leur tristesse, rarement à leur joie — car le subconscient ne distingue pas le propre du figuré.

    À ce propos, peu importe l'émotion qui vous traverse, ne dites jamais « je suis… » (définitif) mais « je me sens… » (passager). Imaginez que vous ayez passé la journée à déménager et que le soir, tous vos muscles et articulations se rappellent à votre bon souvenir et que la fatigue vous envahit. Ne dites jamais « je suis mort » ou « je suis crevé » ni même « je suis fourbu » mais plutôt « je me SENS fourbu » car votre cerveau ne retiendra que les mots-clefs à savoir « suis/mort/crevé/fourbu ». C'est là le principe même de la loi d'attraction et du pouvoir du verbe (voir Articles connexes).

    Bien sûr, une ou deux fois, ce n'est pas suffisant pour vraiment s'imprégner mais vous aurez certainement pu constater qu'à l'instar des tics de langage, les gens ont tendance à répéter sans cesse les mêmes expressions de manière quasi automatique et totalement inconsciente. Et si les autres le font, vous le faites aussi. On le fait tous.

    Un exemple que j'entends souvent pour exprimer son plaisir après avoir dégusté un plat particulièrement délicieux : « C'est une vraie tuerie ! » Eh bien, imaginez que vous le répétiez suffisamment à chaque fois que vous mangez quelque chose de bon, il y a de grandes chances pour que ces gourmandises finissent par avoir un effet néfaste sur votre corps car vous pensez que ce sont des « tueries ». Surtout si vous avez déjà d'autres facteurs aggravants. Encore une fois, le subconscient ne sait pas distinguer la réalité d'une suggestion pas plus qu'il ne fait la différence entre les premier et second  degrés.

    Ces métaphores qui font sale quand prises au propre

    Voici, présentée de façon ludique, une petite compliation non-exhaustive d'expressions courantes pouvant s'avérer délétères si vous les employez trop souvent.

    Le dos

    Ludo en a plein le dos. Kévin s'échine et Blaise, ça lui pèse.

    Au final, tous les trois souffrent de douleurs dorsales. Au sens métaphysique, le dos est la structure sur laquelle nous nous appuyons mais c'est aussi notre bouclier de protection. On fait le dos rond, on courbe l'échine, ou on tourne le dos pour se protéger d'une situation ou d'une personne. Ludo, Kévin et Blaise devraient plutôt se sentir dépassés, agressés, car « se sentir » n'est pas « être » mais juste exprimer une émotion pour lui permettre de sortir de l'ombre sans en faire un état permanent comme lorsqu'on en a plein le dos.

    Les genoux

    Jean-Loup est sur les genoux, Ursule sur les rotules.

    À force de le répéter avec conviction, les pauvres ne peuvent plus marcher car ça bloque au niveau de l'articulation. Le genou est à la fois symbole de flexibilité et d'humilité. Il représente le rapport à l'autre (je/nous) et la souveraineté. Peut-être que Jean-Loup et Ursule ne savent pas dire non ou veulent tout contrôler tous seuls et se retrouvent confrontés dans leur orgueil.

    Les pieds

    Maïté me casse les pieds.

    Du coup, j'ai peut-être des cors qui me font mal, un oignon ou des douleurs dans la voûte plantaire ou au talon. Le pied est avant tout notre point d'ancrage. On attend quelqu'un de pied ferme. Je devrais plutôt me sentir entravée par Maïté, ça m'éviterait le podologue.

    Les fesses

    Manu en a plein le cul.

    Bien fait pour lui s'il a des hémorroïdes ! Le popotin étant la partie charnue sur laquelle on s'assoit et prend sa place, il représente le pouvoir. Les hémorroïdes traduiraient ainsi une faiblesse intérieure identitaire. Manu n'a qu'à être moins vulgaire et se sentir pas à sa place sur le trône !

    Les organes génitaux

    Jacquouille s'en bat les couilles. Marie-Claire s'en bat les ovaires.

    S'il tenait vraiment à ses bijoux de famille, Jacquouille en prendrait davantage soin. À force, sa virilité ou son pouvoir de procréer vont en prendre un coup. Pareil pour Marie-Claire au féminin.

    Les Anglais ont une expression quand ils se sentent énervés, excédés, contrariés qui est « pissed off », impossible à traduire littéralement mais qui implique le mot « pisse » qui, à force de réitérations, est susceptible d'induire cystites, infections urinaires voire incontinence d'origine psychosomatique.

    L'estomac

    Nicole en a ras-le-bol et Gustave, ça le gave.

    Autant dire que l'estomac se met en grève parce qu'il n'arrive plus à assimiler les expériences ou les émotions du fait d'un trop plein. Et hop, ça remonte en reflux acides (le bol fait ici référence au bol alimentaire stomacal).

    Pareil si René vous donne la nausée et si Vladimir est à vomir.

    Par contre si André est ulcéré, c'est qu'il se sent rongé par quelque chose. Et qu'est-ce qui ronge ? Le cancer. Attention donc en exprimant l'inquiétude, le doute, la colère, les remords et même la curiosité. Ne prenez pas l'habitude de laisser ces émotions vous bouffer par le verbe. Sentez-vous plutôt inquiet, dubitatif, etc.

    Les intestins

    Aristide, ça lui fait mal au bide mais moi ça me gonfle.

    Là c'est quand j'ai des difficultés à lâcher-prise d'une situation ou d'une personne. je ne peux pas contrôler et donc ça provoque des ballonnements.

    Chloé, ça la fait chier et Deirdre, ça l'emmerde.

    Les intestins sont le siège même des émotions (deuxième chakra). Le rejet, la non-acceptation, la peur nous emmerdent (désolée pour ce langage grossier mais ce sont des expressions très usitées) et donc syndrome du côlon irritable et diarrhées peuvent être un des effets psychosomatiques des gens qui ne devraient pas se laisser atteindre par le caca mais juste le ressentir et tirer la chasse.

    La gorge

    Georges, ça lui reste en travers de la gorge.

    Il n'a pas su s'exprimer et à force de le répéter, il risque l'extinction de voix, la laryngite, l'angine ou autres problèmes affectant la gorge.

    Les dents

    Adam est sur les dents.

    C'est son dentiste qui va être content. Les dents symbolisent le pouvoir de décision et le libre-arbitre d'où les expressions « avoir du mordant » et les « sans-dents ». Et quand on enrage trop souvent, la rage se propage aux dents.

    Les glandes

    Raoul a les boules. Audrey est nouée.

    Deux angoissés qui risquent de se retrouver avec des problèmes glandulaires.

    Les nerfs

    Jennifer est sur les nerfs. Hervé est énervé.

    Problèmes de communication. Beaucoup de douleurs en perspective. Sentez-vous, ne soyez pas.

    Les oreilles

    Mireille lui casse les oreilles. Avec Alexandre, elle ne peut s'entendre.

    Les oreilles sont le siège de la réceptivité intérieure et extérieure.

    Le cœur

    Fleur, ça lui fend le cœur.

    Quand notre centre émotionnel est atteint les conséquences peuvent être gravissimes car aucun problème cardiaque n'est bénin (sauf les myocardites de Pfizer). Et il y a tellement d'expressions métaphoriques qui malmènent le cœur que ce n'est vraiment pas anodin.

    Les poumons

    Yvonne s'époumone. Dorothée en a le souffle coupé.

    Les poumons représentent la vie et quand une personne éprouve un profond mal de vivre, du désespoir, du découragement ou de la tristesse, les poumons sont souvent affectés.

    Les allergies

    Monique est allergique. Solange, ça la démange. Et Robert, ça lui donne de l'urticaire.

    Réaction d'autodéfense du système immunitaire face à une agression. Quand on se sent agressé par la personnalité de quelqu'un, on emploie souvent ce type d'expression. Autant utiliser une paraphrase moins imagée que de s'infliger un tel sortilège.

    La tête

    Odette en a ras-la-casquette. Juliette lui prend la tête.

    Migraines, céphalées, etc. La tête nous permet de garder le contrôle. Avoir toute sa tête, c'est être en possession de tous nos moyens, en contrôle. Quand on nous la prend, c'est qu'on ne l'a plus (lapalissade).

    Abdoul, ça le saoule. Jérémie lui file le tournis.

    Problèmes d'équilibre qui s'installent. Ce qui en dit long aussi sur les rapports énergétiques entre les personnes.

    Si Céline hallucine trop souvent, elle risque peut-être des problèmes cognitifs.

    Les surrénales

    Agnès est HS. Louise, ça l'épuise.

    À force, déplétion d'énergie, fatigue chronique invalidante. Surtout pour Agnès hors service. Usure prématurée.

    La mort qui tue

    Casimir s'ennuie à mourir. Eve a la crève. Lulu ça la tue. Mais Victor est mort.

    Là, on risque d'aller direct au cimetière sans passer par la case maladie. Même quand on a une mort joyeuse par le rire ou que l'on aime à mourir.

    Les chutes

    Véro tombe de haut mais Mumu est sur le cul.

    On se demande des fois pourquoi on a des accidents mais à force d'avoir ce genre d'incantation inconsciente…

    Je terminerai avec les plus glauques tellement elles sont violentes :

    • Matthieu en mettrait sa main au feu et Xavier la donnerait à couper.
    • Ombe, les bras lui en tombent.
    • Arnaud a reçu un coup de poignard dans le dos.
    • José est damné. Et pour Albert, c'est l'enfer.


    Loin de moi l'idée de vous glacer le sang et de vous pétrifier d'effroi mais quand même ! Prendre les mots à la légère, c'est un peu comme jongler avec des poignards les yeux bandés.

    Transformer nos automatismes

    Pour ma part, je me suis rendu compte que j'utilisais très souvent l'expression « ça me gave » pour tout ce qui m'est insupportable ou toutes les situations que je ne parviens pas à assimiler. Résultat, j'ai de sérieux problèmes d'estomac tant ce dernier est « gavé » des mauvais sorts que je lui jette sans m'en rendre compte. Il ne fait qu'obéir à mes injonctions ! Et je fais pourtant bien tout ce qu'il faut pour lui faciliter le travail de digestion. Mais le pouvoir du verbe est tout-puissant surtout lorsqu'on n'a pas conscience de ce qu'on se dit.

    Je vais donc apprendre à m'écouter parler pour essayer de repérer mes expressions fétiches afin de leur trouver des substituts inoffensifs — ce qui va demander pas mal d'efforts mais si vous avez la chance d'avoir des personnes dans votre entourage volontaires pour vous corriger dès que vous prononcerez les mots fatidiques, cela pourra accélérer votre reconditionnement, sachant qu'il faut en général trois semaines pour établir de nouveaux circuits neuronaux. Et si jamais vous vous surprenez à replonger, il suffit de dire « Stop, j'annule » et de reformuler autrement.

    J'espère que cet article vous aura été utile. N'hésitez pas à venir poser vos questions en commentaires ou à apporter votre témoignage.

    Ey@el

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